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Écrans Mixtes : retour sur un festival queer qui prend de l’ampleur (Les Inrocks)

mercredi 16 mars 2022, par La cavale

Le festival, qui s’est tenu à Lyon du 2 au 10 mars, a proposé une douzième édition riche en découvertes.

Pour sa douzième édition, le festival lyonnais Écrans mixtes, consacré au cinéma queer, a connu une belle poussée de croissance. Habituellement tissé de coups de projecteur, de rétrospectives (cette année sur Pasolini et Corsini), d’avant-premières et de raretés qui constituent la trame de plus de soixante-dix séances réparties sur neuf jours, il s’est cette année doté d’une compétition de huit films partageant le fait de n’avoir aucun distributeur.

L’idée du festival se prolonge ainsi dans une compétition qui vise un accroissement de la visibilité de films LGBTQI+, car les 10 000 euros octroyés au film vainqueur iront pour moitié dans la poche du ou de la cinéaste, tandis que l’autre moitié est promise au distributeur qui le sortira en France.

Cette compétition concoctée par Olivier Leculier, président du festival, et son équipe est donc riche de pures découvertes. On a notamment beaucoup aimé To Kill The Beast d’Agustina San Martin. Ce premier long métrage se déroulant à la frontière entre l’Argentine et le Brésil convoque l’épaisse jungle hantée du cinéma de Weerasethakul. On y suit une fille de 17 ans qui cherche son frère disparu aux confins d’un monde qui oscille entre fantasmagories, éveil du désir et réalité sociale.

De belles découvertes
Mais ce sont deux autres très beaux films que le jury composé de Catherine Corsini, Alexis Langlois, Jonas Ben Ahmed, Louise Chevillotte et Franck Finance-Madureira a choisi de mettre en lumière. Moyen métrage réalisé caméra au poing et dans un format carré, Silent Voice (Prix du jury) de Reka Valerik se déploie au plus près de la peau et la souffrance de Khavaj, un jeune espoir de MMA tchétchène ayant fui son pays où les homosexuel·les sont arrêté·es, torturé·es et même assassiné·es. Ce film esthétiquement arraché à l’ombre et qui menace concrètement la vie de son auteur suit le parcours d’exil de Khavaj et son arrivée à Bruxelles, où il doit se reconstruire une nouvelle identité pour échapper aux représailles.

Cette idée que le cinéma LGBTQI+ est affaire de recomposition de vies muselées se prolonge dans le grand vainqueur de cette douzième édition. Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang de Robin Hunzinger (Grand Prix et Prix du public) est composé d’images que le cinéaste a chinées dans des fonds d’archives, datant de la première moitié du siècle dernier. Elles recomposent la vie d’un groupe d’adolescentes ayant vécu une forme d’utopie de vie communautaire lesbienne, dissimulée par de longs séjours au sanatorium que leur fragile santé exige. La beauté des images, la finesse du montage, le surgissement ahurissant de ses vies cachés fait d’Ultraviolette un film bouleversant. On regrette cependant une légère surcharge d’effets (voix off au sentimentalisme un peu trop appuyé, musique pop en tapisserie sonore, bruitages illustratifs).

Pour finir, on citera la découverte des films de François Zabaleta, notamment les très beaux Vilains Garçons et Jeunesse perdue. Également écrivain, plasticien, photographe, le Zabaleta cinéaste est l’auteur d’une cinquantaine de films, principalement des courts. Dans un geste qui rappelle celui d’Alain Cavalier dans sa façon de recomposer son passé à partir de fragments filmés, mais aussi celui de Frank Beauvais dans cette voix off poétique et déroulant le menu d’amours maudites, les quatre films présentés au festival sont la partie émergée d’une œuvre qu’on se réjouirait de découvrir plus en profondeur.

Palmarès du festival Écrans mixtes
Grand Prix Écrans Mixtes : Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang de Robin Hunzinger (France)

Prix du jury : Silent Voice de Reka Valerik (France, Belgique)

Prix d’interprétation ex-aequo : Kassia da Costa dans La Mif de Fred Baillif (France) et Niv Nissim dans Sublet d’Eytan Fox (Israël)

Prix du public : Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang de Robin Hunzinger (France)

Prix du jury Passe culture : Instructions For Survival de Yana Ugrekhelidze (Allemagne)