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La distanciation / Social Distanting, 2021

lundi 15 février 2021, par Robin Hunzinger

« La distanciation », film documentaire collectif avec Martin Benoist, Brigitte Chevet, Aubin Hellot, et Elisabeth Jonniaux, 52 minutes, 2021.

Coproduction : VIVEMENT LUNDI et FRANCE TELEVISIONS

Depuis le 17 mars 2020, un virus inconnu nous a précipité dans un autre monde. Une expérience racontée de cinq endroits différents en France, par cinq documentaristes confinés à domicile. En montagne, au bord de la mer, en ville, à travers ces regards subjectifs se tricote une chronique surréaliste, poétique et inquiète de cet instant suspendu. Les villes se vident, le silence s’impose, les balcons et les jardins deviennent des lieux de rendez-vous à distance. Miroir d’une société qui cherche une nouvelle distance avec elle-même, et interroge l’avenir.

Since March 17, 2020, an unknown virus has thrown us into another world. An experience told from five different places in France, by five homebound documentary filmmakers. In the mountains, by the sea, in the city, through these subjective glances, a surreal, poetic and worried chronicle of this suspended moment is knitted. The cities empty, silence imposes itself, the balconies and gardens become places of rendezvous at a distance. Mirror of a society which seeks a new distance with itself, and questions the future.

Festival du film de Lama, 2021 / Festival Camera des Champs 2021.

Depuis le 17 mars 2020, un virus inconnu nous a précipité dans un autre monde. Une expérience racontée de cinq endroits différents en France, par cinq documentaristes confinés à domicile.

En montagne, au bord de la mer, en ville, à travers ces regards subjectifs se tricote une chronique surréaliste, poétique et inquiète de cet instant suspendu. Les villes se vident, le silence s’impose, les balcons et les jardins deviennent des lieux de rendez-vous à distance.

L’horizon se rétrécit, la mort rôde. Comment faire avec la peur, la sienne ou celle de l’autre ? Avec le voisin, à la fois potentiellement contaminant et essentiel à notre survie ?

Le dialogue numérique se révèle salvateur et frustrant. Par petites touches, de chants de rues improvisés en enterrement à la sauvette, de manif clandestine en réunion de voisins, de récits d’enfants à aux dialogues intimes entre couples ou amis, ces cinq regards se fondent progressivement en un seul.

Miroir d’une société qui cherche une nouvelle distance avec elle-même, et interroge l’avenir.

Ce film naît d’une discussion sur les réseaux sociaux, à la veille du confinement. Inquiets de devoir nous enfermer pour plusieurs semaines, nous partageons le désir impérieux de raconter ce qui nous arrive, de le métaboliser par le cinéma. Et de fabriquer du collectif, malgré tout.

Nous commençons à tourner dès le soir de l’annonce de cette mise à l’arrêt, par Emmanuel Macron. Spontanément naît l’idée d’un film à 5 reflets, 5 fenêtres sur confinement, pour raconter ce moment inédit. De 5 points de vues complémentaires, de 5 lieux géographiques différents de la France de 2020. Face au repli sur sa sphère familiale, sa maison ou son appartement, marqué par une nouvelle distanciation sociale, il nous paraît salutaire de passer par-dessus cet isolement imposé. Mettre en commun nos images et nos sons, sans conflit d’égo, pour raconter ce qui arrive. Non pas comme des journalistes, car beaucoup a déjà été dit sur la pandémie elle-même. Nous sommes tous saturés de ces informations. Mais à comme des documentaristes confinés, à l’affût d’un réel modifié, décalé.

Notre perspective est celle d’individus enfermés à domicile, avec chacun sa subjectivité. Notre terrain d’observation est celui de cette géographie limitée à nos sorties quotidiennes d’une heure, et soumises à autorisation. Notre point de vue est à l’intersection de l’intime et du politique. Dans le surgissement de ces nouvelles pratiques sociales, de cette mise à distance contrainte et forcée. Dans ce qu’elle provoque en nous et autour de nous : peur, colère, repli, mais aussi bonheur d’un temps suspendu et retrouvé. Avec le désir de nouvelles solidarités.

Face à l’angoisse qui semble geler le pays tout entier, nous esayons de résister à cette ambiance mortifère. Mettre des mots, des images sur ce qui nous tombe dessus. C’est tout le paradoxe de ce moment : à la fois séparés, et désespérément en besoin de contact, de partage. Il nous faut bâtir de nouveaux ponts, trouver une nouvelle distance avec l’autre, réintégrer notre condition de mortel, d’habitude occultée par notre univers consumériste ou notre quotidien sur actif. L’extraordinaire de la situation nous fait réévaluer nos vies, nos enfants, notre couple, ou notre solitude avec une autre perspective. Il nous faut aussi trouver une nouvelle distance avec soi, et avec la mort.

Dans ce moment particulier, surgissent de nouvelles angoisses, des désirs inédits, des pratiques étranges. A la manière de cinéastes, nous observons et documentons ce glissement vers ce nouveau monde. Banderoles aux fenêtres, concerts improvisés, manifs clandestines à l’extérieur.

Et à l’intérieur, nous captons des confessions intimes, le plus souvent par écran interposé. Nous le mettons en scène, avec un mélange d’humour et de tragique, une caméra qui prend son temps. Qui souligne de petits détails qui font mouche : des passants qui s’évitent sur un trottoir, une femme qui fait du vélo d’appartement à sa fenêtre. Des enfants qui osent dire leur peur. Des voisins qui trinquent à distance, se découvrent. Un anniversaire en visioconférence. Ce qui nous relie : la bande-son des actualités mortifères, nos visioconférences où nous nous racontons, les évènements qui scandent ce confinement.

Le film se nourrit également de nos lectures les plus variées, en écho à cette expérience inédite. Dans le passé, l’humanité a déjà vécu la pandémie, et l’a racontée dans des romans ou des essais que nous dévorons.

Nous avons tous des préoccupations, des âges, des configurations familiales et des géographies, des centres d’intérêt différents et complémentaires. Nous avons 30, 40 ou 50 ans, nous sommes des réalisateurs débutants ou confirmés. Robin habite une ferme en pleine forêt vosgienne. Elisabeth à Paris, Aubin en banlieue rouge sont tous les deux confinés en appartement. Brigitte et Martin occupent chacun une maison de ville avec jardin. Robin et Martin ont de jeunes enfants, Elisabeth est célibataire, Aubin confine avec sa femme et ses fils, de jeunes adultes. Brigitte est en couple avec Philippe depuis 35 ans.

Nous n’avons pas choisi ce métier pour dire "je", nous nous intéressons avant tout aux autres. Personne d’entre nous, à part Robin, n’a fait de film intimiste auparavant. Ce projet est un défi personnel, atypique pour la plupart d’entre nous : celui qui consiste à exister à la fois en tant que réalisateur et que personnage d’un film. Même si nous n’apparaîtrons pas ou peu à l’écran, notre voix, nos intérieurs, nos proches, nos regards, notre intimité y sera présente, d’une manière ou d’une autre. Même si nous ne voulons pas saturer ce film de discours à la première personne, nous existerons fortement en tant qu’acteurs de cette histoire, dont on entend la voix, dont le regard guide la caméra. Narrateurs complémentaires d’une histoire à la fois vécue individuellement, intimement, tout autant que collectivement.